Combat d'épée [PV Vilmos]

Vilmos n’était pas encore habitué totalement à sa nouvelle apparence. Difficile d’avoir l’air menaçant quand on est pourvu d’une queue avec une touffe de poils au bout, ou encore, quand on est recouvert d’un duvet de poils courts et gris. Il avait heureusement gardé ses traits humains, excepté son nez, qui s’était aplati pour ressembler à un mufle, et ses yeux, devenus complètement noirs, lui donnait un peu plus l’apparence d’une bête. Quand à ses cornes qui avaient poussé sur sa tête, elles avaient beau être intimidante, Vilmos ne savait pas trop comment s’en servir. Pour l’instant, elles étaient plus encombrantes qu’autre chose.

Le seul réel avantage que lui apportait sa nouvelle forme, c’était la force qui venait avec. Pour le combat à venir, il en aurait sans doute besoin.

L’homme en face de lui tenait une arme que Vilmos n’avait vu qu’une fois, sur le drapeau d’un pays jadis communiste. Un genre de marteau relié à une hache. Ce n’était pas exactement la même chose mais pas loin. Ce type devait porter un nom comme Boris, ou Smirnoff… Peu importe quel était son nom. Il n’était là que pour combattre… au nom du capitalisme, évidemment.

Pour cela, quoi de mieux qu’une hache à double tranchant. Vilmos retira l’arme accrochée à son dos. Entre ses mains, l’arme ne pesait presque rien. Pourtant, en portant un premier coup à son adversaire, dans un mouvement fluide et précis, la hache broya la pierre qui se trouva sous la lame. Soulevant la hache, Vilmos décrivit un arc autour de lui, fendant l’air dans un sifflement strident.

Il l’avait raté, mais de peu. En se retournant, Vilmos aperçut son adversaire planter sa hache dans le sol. Qu’est-ce qu’il croyait accomplir en faisant cela?

Ignorant se l’autre homme faisait, l’homme-taureau s’avança vers lui, hache à la main, avec l’intention d’en finir avec ce combat. Toutefois, lorsque son adversaire empoigna le manche du marteau, Vilmos le vit frapper sa hache avec celui-ci. Une onde de choc se répercuta dans le sol, fendant alors la terre elle-même en deux. En sentant le sol s’ouvrir sous ses pieds, Vilmos perdit l’équilibre avant de rouler sur le côté, regardant d’un air ahuri les dégâts causés par cette arme, en apparence insignifiante.

Eh bien… c’était qu’il était plus menaçant que ce à quoi il s’attendait.

L’homme fit alors une manoeuvre impressionnante : il jeta sa hache en direction de sa panoplie d’épées, et l’impact projeta une arme tout aussi bizarre que la première. Une genre d’énorme machete, avec un trou assez large au bout. Ça, c’était de l’arme! Du même calibre que ça hache. En fait, peut-être même plus meurtrière encore. Les haches, c’est puissant, mais il y avait beaucoup moins de surface tranchante que sur une épée. Puis, les épées sont plus aisément manoeuvrable. Vilmos sentait qu’il allait regretter d’avoir sous-estimé l’homme devant lui.

Se relevant finalement, Vilmos saisit de nouveau solidement sa hache. Frappant de haut en bas, son arme se cogna contre celle de l’homme. Il continua de frapper, essayant de briser les défenses de son adversaire, mais ce dernier ne flanchait pas. Agacé par la maîtrise certaine de l’homme, Vilmos serra les dents, et frappa toujours de plus en plus fort. Cependant, il était clair qu’ils étaient peut-être dans une impasse.

Hey, je paris que le type qui t’as forgé ce truc devait être Suisse. Il manque un bout à ton épée dit-il, entre deux coups de hache. T’en as encore beaucoup des épées bizarres dans ce genre-là?

Il fallait bien s’amuser un peu, car si aucun n’arrivait à percer les défenses de l’autre, le combat durerait longtemps....

Selon son adversaire, il ne «pouvait imaginer» la puissance de ses armes. Vilmos concédait qu’il n’était pas l’homme le plus imaginatif au monde, mais en voyant la lourde épée maniée par son ennemi se briser sous la force d’un énième coup de hache, l’homme-taureau n’eut nul besoin d’un temps de réflexion pour comprendre que les armes présumées puissantes de son adversaire ne l’étaient finalement pas tant que ça! Vilmos pouffa de rire.

C’est ce qui arrive quand on a un trou au milieu de sa lame, dit-il, condescendant.

Peut-être que maintenant, il songerait à abandonner le combat. C’est ce que Vilmos espérait en tout cas. Après tout, quel honneur y a-t-il à vaincre un homme désarmé? Ce n’était pas que Vilmos faisait grand cas de son honneur, mais c’était tout de même assez déloyal. Arrêtant un instant ses attaques, Vilmos eut la surprise de voir son ennemi, non pas capituler, mais couper sa propre main avec ce qui restait de sa lame. Il comptait s’achever lui-même ou quoi? Vilmos s’aperçut que, bien au contraire, son adversaire semblait de nouveau fin prêt à en découdre.

Ayant l’avantage d’avoir une arme encore intacte, Vilmos redoubla d’efforts pour tenter de frapper son adversaire et mettre fin au combat. Sauf que cette petite teigne n’avait pas dit son dernier mot. Si seulement il pouvait arrêter de bouger dans tous les sens! Chaque fois que Vilmos croyait enfin l’avoir, l’autre bougeait à la dernière seconde, et en profitait même pour l’atteindre, jusqu’à lui trancher le flan. Maintenant, chaque fois qu’il levait les bras, ça lui faisait un mal de chien. Même s’il y survivait, la douleur attisa encore plus sa colère.

Malheureusement pour Vilmos, il n’était pas au bout de ses surprises. Peu après que l’homme l’eut atteint, un effet étrange se produit sur les restes de l’épée de l’homme. L’arme reprenait doucement sa forme originelle, comme si le sang dont elle était imbibée réagissait avec le métal. Le nourrissait. Les yeux ronds, Vilmos fixa l’épée à nouveau rassemblée. C’était de la putain de sorcellerie! Et ce n’était définitivement pas très fair-play.

Enragé et exténué, Vilmos rugit :

Et si je te tranchais la tête pour voir si elle repousse espèce d’enfoiré!

Vilmos fonça vers lui comme un taureau vers un drapeau rouge, les cornes devant. Il ne pouvait plus lever les bras. En tout cas pas trop haut. Mais en attaquant les membres inférieurs de son adversaire, il aurait une chance de le toucher.

Comme de fait, alors que l’homme-taureau bloqua un coup d’épée, il esquiva le prochain coup en se décalant sur le côté. Puis, dans un mouvement de scie, Vilmos réussit à entailler l’arrière de l’un des genoux de son adversaire.

Vilmos l’avait coupé derrière le genou. L’homme s’éloigna et s’arma de deux nouvelles épées. Il asséna une frappe au sol, tout comme il l’avait fait avec le marteau et la hache, mais au lieu de voir la terre s’ouvrir sous lui, elle entra en fusion. Vilmos recula devant le magma projeter dans les airs, la fumée noire et toxique lui brûlant les yeux. Se protégeant le visage d’une main, Vilmos attendit que l’explosion cesse pour enfin y voir quelque chose.

Soudainement, il aperçut son ennemi au travers du brouillard. Celui-ci se préparant à attaquer, Vilmos bloqua son épée à l’aide de sa hache, mais une multitudes de dents acérées gobèrent la tête de sa hache. Profitant de la stupeur mortifiée de Vilmos face à l’épée monstrueuse qui venait de mordre sa hache, l’homme, d’un mouvement de bras, lui arracha son arme des mains. La hache vola sur le côté et s’écrasa sur le sol, le laissant complètement désarmé. Il ne lui restait plus que sa force brute, ses poings, et ses cornes.

Furieux, Vilmos fonça sur l’homme, cornes devant, et le cogna solidement à la poitrine. Au même moment, l’épée vivante profita de sa proximité pour lui mordre le flan. Vilmos grogna de douleur, et recula pour découvrir la rangée de dent de l’épée enfoncées dans sa chair jusqu’à l’os. L’énorme bouche venait de lui percer le foie, une large partie de ses tripes et le bas de son poumon.

Il se savait en très mauvaise posture. Son ennemi et son épée diabolique seraient peut-être ceux qui mettrait fin à Vilmos Desgoffe und Taxis. En fait, c’était quasiment certain. S’il mourrait maintenant, il ne comptait certainement pas trépassé avec cette abomination accrochée à son flanc.

Vilmos glissa ses doigts entre les interstices des dents de la bestiole. Utilisant toute la force qu’il possédait, il repoussa les mâchoires de l’arme de son flanc, laissant un croissant de petits trous sur son ventre en dans son dos, qui se mirent à former des ridules sanguinolentes et à imbiber son armure. Vilmos souffrait le martyr, et allait certainement saigner à mort, mais il était libéré.

Cependant, il ne s’arrêta pas là. Les mains toujours agrippées sur chacune des mâchoires de la bête, Vilmos les écarta l’une de l’autre jusqu’à l'extrême.  Rencontrant le point de résistance de la bouche, celle-ci ne pouvant s’ouvrir davantage, Vilmos serra les dents. D’un violent coup sec, il écartela la mâchoire de l’épée vivante, ses mandibules se brisant en un bruit humide et écoeurant, ne lui laissant qu’une grotesque bouche ouverte.

Vilmos lança l’épée au loin. Il fit un pas en avant, et fut ralenti par une quinte de toux. En voyant sa main rougit par le sang de sa bouche, Vilmos posa un genou à terre. Il regarda ses multiples plaies sur son flanc. Celles-ci saignaient en abondance, sans compter l'hémorragie interne qui noyait doucement, mais sûrement ses organes. Il leva les yeux vers son ennemi, le regard rempli de haine. Il allait vraiment mourir comme ça, à moitié bouffé par une épée!